00 04/01/2006 11:17
Dans le journal italien "Libero"
Article paru dans le journal "Libero" ( http://libero-news ) du 2/1/2006, mis en ligne par Emma3, puis par Dipl, sur le forum italien, traduit en anglais par Teresa sur la section anglophone

Très beau texte, qui rend justice et hommage, même physiquement, comme nous le faisons ici, à la personne du Pape, à la spiritualité dont elle rayonne, au témoignage de la foi qu'elle nous offre par son seul sourire.
Renato Farina donne une portée hautement symbolique à la rencontre avec Oriana Fallaci (en quelque sorte porte-drapeau des chrétiens-athées, si cette juxtaposition de mots a un sens, à qui le Pape envoie le message de faire le "pari" que Dieu existe).

Les ennemis de "l'option - Ratzinger"
("Libero", page 13, 2/1/06)
Renato Farina

Parmi les grands de ce monde, en cette période de l'année, il y a une seule personnalité qui se démarque. Le Pape.
Nous en avons perdu un (mais seulement jusqu'à un certain point, nous le verrons), et à présent, il y a Benoît.
Que fera t'il? Voilà une question qui convenait particulièrement pour Wojtyla. A chaque fois, il bouleversait le monde, en voyageant, en implorant, ou simplement en mourant.

Ratzinger...J'ai compris cela: c'est un mystère candide, une promesse enchanteresse. Le fait que cet homme existe suffit pour faire naître et conserver l'espoir.
C'est pour cela qu'Oriana Fallaci est venue, et lui l'a reçue dans son bureau. Ils se cherchaient.
Beaucoup d'ennemis obscurs s'approchent et nous essaierons de comprendre comment ils vont s'y prendre. Chaque chose en son temps, pourtant.
A midi, hier, quand il est apparu à la fenêtre de son bureau, au troisième étage du Palais Apostolique, de sa calotte s'échappait une mèche blanche, quelque chose d'à la fois rebelle et délicat. Pour le reste, durant les deux messes retransmises par les télévisions du monde entier, il a été égal à lui-même, se comportant comme un enfant de choeur bien sage, ses gestes étaient circonscrits comme d'habitude dans les limites strictes de la correction.
Il fait tout sur la pointe des pieds, Benoît XVI. Mais cette mèche et ces yeux ont quelque chose d'indomptable, de plus fort que les philosophie, et même que les mots, quelque chose de la sauvagerie d'un chat au repos, mais les chats sont toujours inquiets quand ils aiment.
Et Ratzinger a cette passion intérieure.
Wojtyla l'avait déjà, elle irradiait de lui au travers de gestes puissants: le Polonnais ouvrait grand ses bras sur le théâtre du monde, et le monde paraissait tout petit.
Avec Ratzinger, tout se passe dans le calme du protocole. C'est la puissance de la joie pure. C'est pour cela qu'ils sont si nombreux à accourir vers lui: on le voit, c'est le fait même qu'il nous regarde qui nous communique cette joie. Ce n'est pas un phénomène irrationnel, mais humain. Le regard serait irrationnel? Non, c'est l'essence des rapports entre amis, entre amants, entre un père et ses enfants.
Ratzinger communique par un regard à la fois calme et inquiet, parce qu'il brûle d'un feu qui ne s'éteint pas.
Personne ne tient compte de cela, en évoquant Joseph Ratzinger: il a la certitude d'une Autre Présence parmi nous.
En fait, quand il dit "Nous ne sommes pas seuls, personne n'est seul" (il l'a répété trois fois à la messe de début de Pontificat, le 24 avril, désignant ensuite un ami, Jésus), il raconte une vérité dont il fait lui-même l'expérience. C'est de cela que naît sa pensée, contre le relativisme et le nihilisme, contre le fanatisme religieux qui engendre le terrorisme.
Le fanatisme est la religion qui refuse la vérité de la raison et de l'expérience. Le relativisme et le nihilisme sont la vraie pauvreté des hommes d'aujourd'hui, qui sont malheureux à cause de cela.
La nuit de la Saint-Sylvestre, pendant la Messe où l'on chante le Te Deum, il a rappelé à notre souvenir les pauvres de ce monde, les sans-abri. Mais en prononçant ces mots, il ne dressait pas seulement une liste d'oeuvres de charité, il pensait aussi "aux personnes les plus pauvres et abandonnées, ceux qui ont perdu tout espoir sur le sens de leur propre existence".
C'est là le mal qui ronge l'Occident. Ce n'est pas tant de ne pas trouver un sens à sa vie, que de penser qu'il est inutile d'en chercher un, car il n'en existe pas. Et même de s'en vanter!
Lui, au contraire, témoigne d'une autre possibilité.
C'est pour cela qu'Oriana Fallacci est venue le voir. Elle aime la liberté et la vie. Elle ne peut pas les livrer à l'islam. Elle se refuse à les envelopper du scepticisme des intellectuels. Et elle a rencontré ce sourire planté dans un roc de certitude.
La vie est compliquée, elle sera dure, mais il est facile de se comporter comme les bergers, à Béthléem, si on voit une lumière, il faut courir vers elle, avec ses maladies, sa rage, ses attentes: pour la contempler.
Dans cette existence sans ouverture vers l'infini, quelque chose d'imprévisible: le regard bon et inquiet d'un Pape sur une athée qui croit en la beauté.
L'alternative, alors n'est pas entre l'islam et le nihilisme; entre la négation de la liberté et sa transformation en une joute stupide.

Il y a une autre possibilité. L'option - Ratzinger.
Giulio Andreotti a offert à Ratzinger pour Noël un chat argenté, commandé à un artisan des Abruzzes, et copié de la photo du chat Chicco publié par notre journal (Libero).
Sur la boîte, il a fait dessiner les armoiries pontificales. J'étais avec lui quand il a reçu ce chat. Andreotti a eu un moment de surprise. Il a caché de sa main le museau du chat de métal, et il a dit "Ce sont les yeux du Pape".
Les problèmes du monde actuel sont graves, et il y en a de plus sérieux que de parler des yeux et des cheveux du Pape, le nouveau Pape qui nous arrive en 2006. Jusqu'à présent, on s'est surtout préoccupé de ce qu'il pense, jusqu'à quel point il est "de droite", mais les gens remarquent son visage, voient ses sourires, découvrent ses certitudes. Benoît XVI a été la grande nouveauté de 2005. Et ce sera aussi celle de 2006, sans aucun doute.

Ses ennemis les plus récents ont cherché à faire de Ratzinger un personnage d'un roman à la Dan Brown, le transformant en roi noir d'un complot de l'Opus Dei. Comme si, par surcroit, l'Opus Dei était aux mains du diable. Et ils en rajoutent sur cette fable macabre. La riposte est venue de la foule, qui l'étreint avec affection. Vox populi, vox Dei.

En recevant un prix littéraire à New-York, Oriana Fallaci a dit que nous entrons dans une période d'ouverture religieuse. Surtout, ne pas la confondre avec la dévotion ou la piété. La religiosité est le désir de l'infini. Regarder la mort, et espérer ne pas mourir. L'année passée, ce fut le Cardinal Ratzinger qui expliqua au monde l'impuissance de la mort, dans ses homélies retransmises à la télévision lors des obsèques de Don Luigi Giussani (24 février) puis de Jean-Paul II (8 avril).
Depuis, le Pape est devenu une sorte de "réclame" pour cette issue de secours contre l'ennui que représente la foi.
Il l'a fait avec des raisonnements qui sont là pour être débattus, ce ne sont pas des reliques à placer sur l'autel. De Dieu, on doit parler comme on mange des pommes de terre frites, ou comme on boit un verre de vin.

Pourtant, chez nous, cette magnifique échappatoire à la banalité a été étoufée par les débats sur les rapports entre l'Eglise et l'Etat, entre laïcité et religion. Toutes choses importantes, certes. Mais franchement mineures. Et que l'on agite souvent pour détourner l'attention de l'unique question vraiment décisive.
Le défi de ce Pape est pédagogique, il se joue sur la capacité de communiquer le sens de la vie aux jeunes quel que soit leur âge. S'il existe une réponse à notre soif, ou si c'est une illusion de la désirer.
La puissance symbolique de cette rencontre entre le Pape et Oriana met en relief précisément cette essence de la religiosité.
Ratzinger dit: "j'ai une réponse pour toi, Oriana, même si tu ne crois pas, essaie de vivre comme si Dieu existait. Et pas le Dieu des philosophes, des francs-maçons ou des rois mérovingiens, celui-là dort dans les nuages, mais le Dieu qui nous vient de la tradition".
Ratzinger a préparé une encyclique sur ce Dieu. Elle s'intitule "Dieu est amour". Un amour qui s'est incarné.
Et qui nous regarde, vous et moi. Comme un chat, comme un Pape.



Quelle plus belle illustration pour l'article?
(couverture du livre "La révolution de Dieu", édition Bayard)

[Modificato da beatrice.France 04/01/2006 13.02]